Sunday, August 23, 2015

Sous l’invocation de St. Jerome - Invoking the name of St. Jerome

French to English - Français à l'anglais
 
Valery Laubard (1881-1957)


Invoking the Name of St. Jerome 

In the army of writers, we others, translators, we are the foot soldiers; in the publishing world, we are the interchangeable understudy, marginal and almost anonymous. Save in France and England and a few honorable exceptions, if the cover of a translated book carries the name of the author and publisher, one must look within, and to the interior title, and what’s more to the opposite page, high or low, in the smallest possible type, and better to be hidden, to find the miserable name of the translator. The process by which a text written in a language, finds itself susceptible of being read in another language is probably an act which is vaguely indecent, since politeness requires that we do not notice. Whereupon the world agrees, as well both critics and readers. Some maniacs try sometimes to declare wonders (if any) and more often cry a massacre, but these maniacs are always translators, who hears them? Other translators ... 

We live in a closed circuit. The scourge of Esperanto and Volapuk [and now Google Translate] do not haunt us anymore, but machine translation warily watches us, with a result made quickly and more precisely than we could, say the prophets of doom - and presto, translation with the press of a button. So the difficult times we live in are still a paradise. We must add that we, like all the working proletariat, stranded between supply and demand, and stranded a second time between quality and productivity - we're not even sure we agree among ourselves: "techniques", as we say in our jargon, are the envy of literati because the literati have no difficulties with vocabulary and the literati envy techniques, because techniques possess only the difficulty of vocabulary. 

We strive all the same, as we can, to improve our craft, and from time to time seeking encouragement or consolement, we light a candle before an image of our patron saints: St. Jerome, who made some misinterpretations and St. Valery Larbaud, who made none, St. Etienne Dolet, who gave us our first charter, and Blessed Jacques Amyot, and Chapman, and Galland and Burlon and Schiller, and Nerval, and Baudelaire, who proved for us the existence of a miracle. Sous l’invocation de St.Jerome 


Sous L'Invocation de St. Jerome 

Dans l’armée des écrivains, nous autres traducteurs nous sommes la piétaille; dans le personnel de l’édition, nous sommes la doublure interchangeable, le besogneux presque anonyme. Sauf en France et en Angleterre quelques honorables exceptions, si la couverture d’un livre traduit porte le nom de l’auteur et le nom de l’éditeur, il faut chercher à la page de titre intérieure, et plus encore face à celle page, tout en haut ou tout en bas, dans le plus petit caractère possible, le mieux dissimulé possible, le misérable nom du traducteur. L’opération par laquelle un texte écrit dans une langue se trouve susceptible d’être lu dans une autre langue est sans doute un acte vaguement indécent, puisque la politesse exige qu’on ne le remarque pas. Là-dessus tout le monde est d’accord, et aussi bien les critiques que les lecteurs. Quelques maniaques tentent parfois de signaler des merveilles (il y en a) et plus souvent de crier au massacre, mais ces maniaques sont toujours des traducteurs, et qui les écoule? d’autres traducteurs... 

Nous vivons en circuit fermé. Le fléau de l’espéranto et du volapuck [et à présent Google Traduction] ne nous hante plus, mais la machine à traduire nous guette, qui traduira plus vile et plus juste que nous, disent les prophètes de malheur — el voici venir la traduction presse-boulon. Si bien que les temps difficiles que nous vivons seraient encore un paradis. Il faut ajouter que nous sommes, comme tout prolétariat, coincés entre l’offre et la demande, et coincés une deuxième fois entre la qualité et le rendement. Nous ne sommes même pas sûrs de nous entendre entre nous: les « techniques », comme nous disons dans notre jargon, envient les « littéraires », parce que les littéraires n’ont pas de difficultés de vocabulaire, et les littéraires envient les techniques, parce que les techniques n’ont que des difficultés de vocabulaire. 

Nous nous efforçons tout de même, comme nous pouvons, d’améliorer notre métier, et de temps en temps, peur nous encourager ou nous consoler, nous allumons un cierge devant l’effigie de nos saints patrons: saint Jérôme, qui fil quelques contresens et saint Valéry Larbaud, qui n’en fit aucun, saint Étienne Dolet, qui nous donna notre première charte, et le bienheureux Jacques Amyot, et Chapman, et Galland, et Burlon, et Schiller, et Nerval, et Baudelaire, qui nous ont prouvé l'existence du miracle.

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